lundi 6 mai 2013

Poésie des ruines de l'Acropole par Chateaubriand


Je reviens de Grèce. Les auteurs qui ont célébré la poésie de ces ruines, et ont beaucoup contribué à leur préservation, m'ont accompagnée.
Notammant, le grand René :-)

"J'ai vu, du haut de l'Acropolis, le soleil se lever entre les deux cimes du mont Hymette; les corneilles qui nichent autour de la citadelle, mais qui ne franchissent jamais son sommet, planaient au-dessous de nous ; leurs ailes noires et lustrées étaient glacées de rose par les premiers reflets du jour; des colonnes de fumée bleue et légère montaient dans l'ombre le long des flancs de l'Hymette et annonçaient les parcs ou les chalets des abeilles; Athènes, l'Acropolis et les débris du Parthénon se coloraient de la plus belle teinte de la fleur du pêcher; les sculptures de Phidias, frappées horizontalement d'un rayon d'or, s'animaient et semblaient se mouvoir sur le marbre par la mobilité des ombres du relief; au loin la mer et le Pirée étaient tout blancs de lumière ; et la citadelle de Corinthe, renvoyant l'éclat du jour nouveau, brillait sur l'horizon du couchant comme un rocher de pourpre et de feu.
Du lieu où nous étions placés, nous aurions pu voir, dans les beaux jours d'Athènes, les flottes sortir du Pirée pour combattre l'ennemi ou pour se rendre aux fêtes de Délos; nous aurions pu entendre éclater au théâtre de Bacchus les douleurs d'Oedipe, de Philoctète et d'Hécube; nous aurions pu ouïr les applaudissements des citoyens aux discours de Démosthéne. Mais, hélas ! aucun son ne frappait notre oreille... Je me disais, pour me consoler, ce qu'il faut se dire sans cesse : Tout passe, tout finit en ce monde. Où sont allés les génies divins qui élevèrent le temple sur les débris duquel j'étais assis?... Ce tableau de l'Attique, ce spectacle que je contemplais, avait été contemplé par des yeux fermés depuis deux mille ans. Je passerai à mon tour; d'autres hommes aussi fugitifs que moi viendront faire les mêmes réflexions sur les mêmes ruines. Notre vie et notre cœur sont entre les mains de Dieu ; laissons-le donc disposer de l'une comme de l'autre." 
CHATEAUBRIAND, Itinéraire de Paris à Jérusalem



samedi 6 avril 2013

"Les luttes et les rêves" Victor HUGO


En ce moment, il m'est impossible de lire un roman en dehors de ceux consacrés à l'étude avec mes élèves.

Je n'y arrive pas, la fiction me lasse.

Je me retourne donc vers mes bon vieux recueils de poèmes.
Victor d'abord et encore.

Les Contemplations, évidemment, livre de deuil, de douleurs et d'espoir. Livre empli de la présence puis de l'absence de Léopoldine, sa fille aimée, sa noyée...

On sait que Hugo a appris la mort de sa fille dans le journal, alors qu'il se trouvait en vacances.
J'imagine, j'imagine très bien, les yeux de Hugo parcourant le quotidien rapidement feuille par feuille, puis ouvrant la page des faits divers et il tombe sur ce drame, écrit sûrement de façon factuelle, en quelques lignes...Léopoldine..., fille du grand écrivain..., est morte le...noyée...

Je l'imagine lire et relire, sans comprendre, je le vois ne pas y croire, je le pressens dans une stupeur un peu bête, la bouche vaguement ouverte...impossible...impossible....
Et puis l'intolérable nouvelle parvient jusqu'à sa conscience, effet d'une balle à bout portant, je le vois, vieux lion blessé, hurler de douleur...le cri épouvantable de celui qui ne s'en remettra jamais...

Ce cri est devenu un des plus beaux recueils de poésies jamais écrits, je le tiens pour un pur chef-d'oeuvre. On y voit le poète se battre avec le désespoir, y plonger, relever la tête sous la mitraille de sa douleur, reprendre espoir, le perdre à nouveau, appelant dieu, se fâchant, pour enfin se réconcilier...comme dans la fin de ce poème :
"Dieu nous éclaire, à chacun de nos pas,
Sur ce qu’il est et sur ce que nous sommes ;Une loi sort des choses d’ici-bas,Et des hommes !


Cette loi sainte, il faut s'y conformer
Et la voici, toute âme y peut atteindre :
Ne rien haïr, mon enfant ; tout aimer,
                 Ou tout plaindre !"

Paris, octobre 1842.

Philippe et l'éternité


 J'ai écrit ces vers malhabiles dans le dernier "post" en hommage à mon ami Philippe PUIGSERVER, mort d'une crise cardiaque à 48 ans, le 4 février dernier.

Homme de théâtre, Philippe avait aussi écrit plusieurs livres.

Je me souviens...

Je me souviens d'une vieille, très ancienne, conversation que nous avions eue tous deux. Nous étions alors deux jeunes gens d'une vingtaine d'années et ce jour-là, nous parlions de la mort, de l'angoisse de sa présence dans une vie et du désir d'éternité qui était en nous. Je me souviens très bien lui avoir dit qu'il nous fallait écrire, que l'écriture était plus forte que la mort, qu'elle était un petit bout d'éternité.

Peut-être lui avais-je même cité ces vers de Rimbaud que j'aime tant :
« Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Eternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil »

Philippe a effectivement écrit plusieurs ouvrages, des romans, des nouvelles qui ont été publiés, des pièces de théâtre aussi. Philippe était un artisan, toujours en mouvement et toujours prêt à mettre en actes ses paroles. Moi, éternelle dilettante, je remplis mes carnets, je pianote, mais je n'ai jamais rien terminé. Je reste le mauvais poète, « celui qui ne sait pas aller jusqu'au bout » comme disait Cendrars.

Le dernier portait un titre de glace et de soleil Gelate al sole, comme l'éphémère, comme l'éternité...






jeudi 28 mars 2013

Jamais plus

En hommage à Philippe, 


Le printemps est venu,
Sans toi.
Je suis allée au théâtre, tu n'étais pas là.
Nevermore
J'ai vu les lumières de la nuit scintiller sur la Seine,
Tes yeux étaient clos
J'ai entendu un vieil air des Rita Mitsouko
« Maintenant tu es en cendres, cendres »
Pas là pour l'entendre
Nevermore
J'ai souri à un père qui jouait gaiement avec son jeune enfant
Avec cruauté, mon oeil a capté cet instant complice
De douceur entre un père et son fils
Nevermore
Combien de temps à sursauter quand la vie vient me rappeler l'absence
Combien de coups de poignard, de boules dans la gorge, de larmes ravalées
Combien de fois faudra-t-il murmurer
Nevermore.



vendredi 4 janvier 2013

Blonde : Marilyn 's reading

Ce n'est pas un hasard si j'ai choisi une photographie de Marilyn lisant Miller sur mon profil. Depuis toujours, j'aime cette femme tout en contrastes, insaisissable, son sourire au bord des larmes, sa sensibilité d'écorchée, la belle niaiseuse lisant et écrivant ses poèmes.


Je n'ai pas lu ses Fragments mais je le ferai sûrement. En revanche, j'avais avalé Blonde de Joyce Carol OATES, un magnifique récit qui rend compte de la fragilité et de l'innocence de Norma Jean, écrit avec brio.


Pour finir, une citation de l'écrivain Miller que j'aime particuièrement :
"Pour survivre, il aurait fallu qu'elle soit plus cynique ou du moins plus proche de la réalité. Au lieu de cela, elle était un poète au coin de la rue essayant de réciter ses vers à une foule qui lui arrachait ses vêtements". Arthur MILLER

mercredi 2 janvier 2013

La Promesse de l'aube de Romain GARY

Je viens de finir l'année en compagnie de Romain GARY. J'ai relu La Promesse de l'aube avec bonheur, dans cette deuxième lecture, c'est surtout l'humour de l'auteur qui m'a frappée. Je ne m'étais pas rendue compte à quel point il se crée un personnage à la Charlot dont il est le frère humain. Quand il gobe sa chaussure pour les beaux yeux de Valentine, comment ne pas penser à La Ruée vers l'or ? Ou encore lors de sa danse de St Guy devant le roi de Suède sur un cours de tennis ? Ou encore quand il se compose un personnage dans un bus algérien pour impressionner la foule des autochtones "j'avais pris un air tellement vache qu'en m'apercevant dans le rétroviseur je me suis fait peur au point que le cigare m'est tombé des dents".

J'avais le souvenir d'un livre sur sa mère alors que c'est un formidable livre sur la vie, celle des humbles qui relèvent la tête grâce à une volonté un peu folle de survie, qui se marrent quand on les humilie, qui rendent les coups sans en avoir l'air. Un peu comme Charlot lorsqu'il donne un coup de pied aux fesses du gendarme dès que ce dernier lui tourne le dos, prenant ensuite un air contrit, de fausse innocence.Car l'esprit rageur est toujours proche chez l'un comme l'autre l'autre de ces deux grands artistes.

J'avais oublié la force incroyable du rire facétieux et rageur de Romain Gary.